Elle fut la grande gagnante de la crise sanitaire : déployée massivement et à grande vitesse dans les entreprises, la classe virtuelle s’est imposée comme la modalité pédagogique qui a permis d'assurer une continuité pédagogique. Où en est-on ? Quelles leçons ont été tirées de l'irruption d'une modalité qui était jusqu'alors restée relativement dans l'ombre ? Quelle place les départements L&D lui donnent-ils aujourd’hui ?
Rétablir la continuité pédagogique : le grand défi formation de la crise sanitaire
Mars 2020 restera dans tous les esprits : le temps du confinement débute en France pour la grande majorité des salariés tandis que les campus formation ferment. La formation est subitement tirée de sa zone de confort et appelée à relever un défi de taille : rétablir au plus vite « la continuité pédagogique » (selon les propos de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation d’alors). À cela s’ajoute, avec la mise en place du chômage partiel, tout particulièrement dans l’industrie, les opérations de reconversion commandées en urgence aux départements L&D. La formation, longtemps considérée comme « variable d’ajustement », est de retour sur le devant de la scène, appelée à jouer un rôle essentiel pendant la crise sanitaire et, le plus souvent, en direct avec les comités exécutifs des entreprises. Les « Chief Learning Officers » pourraient-ils devenir membres à part entière de ces comités ? Beaucoup de départements L&D jouent ainsi une sorte de va-tout : leur crédibilité dans l’entreprise. Il faut s’organiser, « délivrer » aussi rapidement que possible ! Le club des Learning Activists, qui regroupe une vingtaine de grands groupes dont beaucoup du CAC 40, lance sa cellule de crise sur les défis à résoudre par les départements L&D. Une coopération qui a joué un rôle de soutien actif, continu et utile auprès des membres du club, articulée sur trois axes :
Soutenir : les départements L&D déploient des dispositifs de soutien aux salariés, la plupart du temps confinés : travailler à distance, apprendre à utiliser les outils numériques associés, faire attention à son bien-être et développer sa résilience dans cette période anxiogène, etc.
Se reconfigurer : les équipes d’ingénierie de formation procèdent en urgence à la digitalisation de leurs contenus de formation et à l’activation de la classe virtuelle.
Se transformer : il faut déjà se projeter et repenser ses futurs modes de délivrance, les stratégies et business modèles associés, les façons de travailler par la suite avec désormais la composante distancielle et télétravail plus présente que jamais.
Digitaliser les parcours de formation : pour le meilleur et pour le pire
Education nationale, institutions académiques, entreprises… tout le monde s’y met dans l’urgence sur des bases très différentes. Les entreprises qui avaient déployé des classes virtuelles dès avant la crise sanitaire, parfois même massivement, se concentrent sur la logistique des sessions à programmer. Les autres sont confrontées à la délicate problématique de digitalisation accélérée de leurs formations et de leurs supports pédagogiques ; elles doivent revoir en hâte leur processus d’ingénierie, le plus souvent sans expérience préalable de l’animation de la classe virtuelle.
D’où une qualité des dispositifs et des animations très variés… pour le meilleur, mais également pour le pire ! La « compétence classe virtuelle » a été souvent très sous-estimée pour se réduire à un simple copier-coller du présentiel. Anecdote : ce formateur d’un OF (dont je tairai ici le nom) projetant, en classe virtuelle, ses planches plein écran sans plus regarder les apprenants qui réclament de pouvoir parler avec un Post-It sur leur caméra : « je voudrais parler » ! Alors qu’on le sait (beaucoup l’ont découvert à ce moment-là) : conception et déploiement de la classe virtuelle appellent une ingénierie (un micro déroulé pédagogique bien cadencé) et une animation (le défi de l’attention encore plus grand) spécifiques.
Le club des Learning Activists a quant à lui mis en place, dès le mois de mai 2020, un système d’analyse du potentiel de digitalisation des formations ainsi qu’une liste de toutes les approches pédagogiques, digital inclus. Plusieurs de ses membres ont rapidement déployé des cours de conception et de déploiement de formations en classe virtuelle. Chez Safran, par exemple, quatre cents formateurs ont alors été formés sur 8 mois à l’art de concevoir et de déployer une classe virtuelle.
Gérer l’après-crise : la classe virtuelle prend place dans les « ingrédients » de la formation
Pour les départements L&D ayant réussi leur mue, le pari était gagné et leur crédibilité interne conservée sinon amplifiée. Pour autant, la classe virtuelle a révélé ses limites. Son déploiement massif a fini par générer un sérieux rejet de la part des apprenants, en particulier chez les managers et les executives : sentiment d’une formation de substitution « low cost », disparition du « réseautage » auquel ils accordent une grande valeur. Cela dit, les départements L&D ont renforcé, voire purement et simplement, développé une nouvelle compétence : l’ingénierie (conception, animation) de la formation devenue un « must-have » (qui pourrait aujourd’hui prétendre à devenir formateur sans la posséder ?). Par ailleurs, la classe virtuelle a été réévaluée : simple méthode pédagogique, entrée dans la collection des méthodes maitrisées par le département L&D, elle sera utilisée et « servie » selon les « plats » à concevoir, ni plus, ni moins. La crise aura permis de la tester à grande échelle et d’en connaître pleinement les avantages et les limites. C’est une autre bonne nouvelle pour les départements L&D : la crise, et désormais l’après-crise, appellent à la généralisation de l’approche multimodale de la formation avec l’avènement des architectes de parcours de formation multimodaux. Une fonction à forte valeur ajoutée et très recherchée sur le marché. Au sein de ces parcours de formation multimodaux, on peut mentionner trois situations idéales pour un usage optimal de la classe virtuelle :
Découvrir : en début de parcours, une classe virtuelle permet aux apprenants de se « rencontrer » et de découvrir le programme qui les attend. Ils peuvent aussi poser toutes leurs questions pour bien se préparer à « voyager » (« quelles sont les grandes étapes du parcours et la logistique associée »).
Acquérir : au sein du parcours, une classe virtuelle, dite de « contenus », va permettre d’ancrer les apports théoriques, par exemple, utiles à une prochaine session plus active et fondée sur une étude de cas (« que vous faut-il maîtriser pour passer à l’action ? »).
Partager : quelque temps (parfois quelques mois) après la dernière session synchrone du parcours, une session de classe virtuelle est destinée à partager collectivement les retours de mise en pratique des apprenants sur le terrain (« qu’avez-vous finalement mis en œuvre ? »).
À suivre…
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